Zimnik |
[Peculiaridades do caráter nacional russo]
[Zvláštnosti ruského národného charakteru]
[Особенности русского национального характера]
[Svéráz ruské národní povahy]
[Particolarità dell’animo nazionale russo]
← L’ancien dieu slave Zimnik: un homme trapu, les cheveux longs couleur de neige, vêtu d’un manteau blanc, toujours pieds nus. Il porte un bâton de fer, avec lequel qui il peut geler instantanément tout être solide. Peut invoquer les tempêtes de neige, les tempêtes de verglas et les blizzards. Vagabondant partout, prenant tout ce qu’il aime, en particulier les enfants qui se conduisent mal.
De récents événements comme le renversement du gouvernement de l’Ukraine, la sécession de la Crimée et sa décision de rejoindre la Fédération de Russie, la campagne militaire qui en a résulté contre les civils d’Ukraine de l’Est, les sanctions occidentales contre la Russie, et plus récemment l’attaque contre le rouble, ont provoqué une phase de transition au sein de la société russe, qui est à mon avis très peu comprise, voire tout à fait incomprise en Occident. Ce manque de compréhension induit pour l’Europe un net désavantage en ce qui concerne sa capacité à négocier efficacement pour résoudre cette crise.
Bien qu’avant cette crise les Russes se satisfaisaient de se considérer comme un pays européen comme les autres, ils se sont maintenant souvenus qu’ils forment une civilisation particulière, avec des racines culturelles différentes (Byzance plutôt que Rome), une civilisation qui a fait l’objet d’efforts de destruction coordonnés de la part de l’Occident une à deux fois par siècle, que ce soit de la part de la Suède, la Pologne, la France ou l’Allemagne, ou de n’importe quelle combinaison des pays cités ci-dessus. Ceci a formé dans le caractère Russe un modèle d’attitudes particulières, qui est susceptible de conduire l’Europe et le reste du monde au désastre s’il n’est pas bien compris
A contrario de ce que vous pourriez penser, à savoir que l’influence culturelle de Byzance sur la Russie a été assez insignifiante, celle-ci est en fait assez fondamentale. Cette influence culturelle, qui apparut à l’avènement de la chrétienté orthodoxe, d’abord en Crimée (berceau du christianisme en Russie), puis à Kiev, capitale de la Russie (la même Kiev qui est aujourd’hui la capitale de l’Ukraine), permit à la Russie de faire un bond de géant de plus ou moins mille ans dans son développement culturel. Ces influences expliquent la nature opaque et lourdement bureaucratique de la gouvernance russe, que les Occidentaux, qui adorent la transparence (même si c’est seulement pour les autres), trouvent profondément agaçante, et bien d’autres choses encore. Les Russes aiment assez nommer Moscou la Troisième Rome – troisième après Rome et Constantinople – et ceci n’est pas vide de sens. Mais cela ne signifie pas que la civilisation russe est un produit dérivé ; certes, elle a réussi à absorber la totalité de l’héritage classique, perçu au travers d’une lunette typiquement orientale, mais son immense territoire nordique a transformé cet héritage en quelque chose de radicalement différent.
Ce sujet étant d’une immense complexité, je me concentrerai sur quatre facteurs que j’estime essentiels pour comprendre le changement dont nous sommes aujourd’hui témoins.
Gestion des offenses
Les nations occidentales sont nées dans un environnement dont les ressources étaient limitées et les pressions démographiques implacables, et ceci a déterminé dans une large mesure leur façon de répondre aux offenses. Pendant longtemps, alors que l’autorité centrale était faible, les conflits furent résolus par des batailles sanglantes, et même un affront minime pouvait amener des amis à devenir des ennemis mortels et à dégainer leur épée. Ceci parce que la clé de votre survie était de maintenir votre position.
En contraste, la Russie a émergé comme nation dans un environnement aux ressources pratiquement infinies, quoique largement répandues. Elle a aussi tiré des revenus de la route commerciale entre les Vikings et les Grecs, route si active que les géographes arabes crurent qu’il existait un détroit d’eau de mer reliant la mer Noire à la Baltique, alors que cette route était constituée de rivières avec un trafic important. Dans cet environnement, ce qui importait était d’éviter les conflits, ce qui fait que les gens qui dégainaient leur épée au moindre mot de travers avaient peu de chance de bien y survivre.
Ainsi émergea une stratégie de gestion des conflits tout à fait différente, qui a perduré jusqu’à nos jours. Si vous insultez, lésez, ou d’une façon ou d’une autre commettez du tort envers un Russe, il est peu probable que vous vous retrouviez dans une bagarre (sauf en cas de correction publique à titre d’exemple, ou un règlement de compte délibéré par la violence). Au lieu de cela, il est beaucoup plus probable que le Russe vous dise d’aller au diable, puis qu’il refuse toute interaction avec vous. Si la proximité physique empêche cela, il se peut qu’il pense à déménager, ou à partir dans n’importe quelle direction du moment que ce soit loin de vous. Cet acte verbal est si courant dans la pratique qu’il a été réduit à une monosyllabe » Pshol ! « , ce qui au sens littéral équivaut à » envoyer « . Dans un environnement où il y a une quantité infinie de terres libres où s’installer, une telle stratégie est parfaitement sensée. Les Russes vivent en sédentaires, mais lorsqu’ils doivent déménager, ils se déplacent comme des nomades, dont la méthode principale de résolution des conflits est le déménagement volontaire.
Ce réflexe d’entretenir une rancune pour toujours est un trait saillant de la culture russe, et les Occidentaux qui ne le comprennent pas ont peu de chance d’arriver au résultat désiré, ni même de le comprendre. Pour un Occidental, on peut réparer une offense en disant quelque chose comme » excuse-moi ! ». Pour un Russe, cela ne sera que du vent, surtout venant de quelqu’un à qui on a déjà dit d’aller au diable. Une excuse verbale qui n’est pas accompagnée par quelque chose de concret est une de ces règles de politesse représentant une sorte de luxe. Il y a encore deux décennies, l’excuse russe de base était » izviniàius « , ce qui peut se traduire littéralement par » je m’excuse « . La Russie est aujourd’hui un pays beaucoup plus poli, mais les schémas culturels de base sont restés en place.
Bien que des excuses strictement verbales soient sans valeur, ce n’est pas le cas du dédommagement. Pour réparer les choses, il se peut qu’on doive se défaire d’un bien auquel on accorde de la valeur, ou que l’on doive prendre un engagement clair, ou annoncer un changement de cap net. Ce qui importe, ce sont des actes décisifs, et pas seulement des paroles, car passé un certain point, les mots ne peuvent qu’empirer la situation, l’amenant du stade va au diable au stade vraiment pas terrible je vais te montrer le chemin.
Comment traiter les envahisseurs
L’Histoire de la Russie est remplie depuis fort longtemps d’invasions de toutes parts, et surtout de l’Occident, et la culture russe a développé un certain état d’esprit qu’il est très difficile de comprendre pour un étranger. Avant tout, il faut réaliser que lorsque les Russes combattent un envahisseur (et dans le cas de la CIA et du Département d’Etat US occupés à diriger l’Ukraine avec l’aide de Nazis ukrainiens, nous avons une invasion), ils ne se battent pas pour un territoire, ou du moins pas directement. En réalité, ils se battent pour la Russie en tant que concept. Et ce concept affirme que la Russie a été envahie à de nombreuses reprises, mais jamais avec succès. Dans l’état d’esprit russe, réussir à envahir la Russie implique de devoir tuer absolument tous les Russes et, comme ils aiment à le dire, « ils ne peuvent pas nous tuer tous« . La population sera rétablie avec le temps (elle avait baissé de 22 millions à la fin de la guerre 1939-1945), alors que le concept, s’il se perdait, serait perdu à tout jamais. Pour un Occidental, entendre les Russes parler de leur pays comme d’un pays de princes, de poètes et de saints ne fait aucun sens, mais c’est ce qu’il est – un état d’esprit. La Russie n’a pas une histoire, elle est son histoire.
Les Russes combattant pour le concept de la Russie plutôt que pour une portion quelconque de son territoire, ils sont toujours prêts à faire retraite – pour commencer. Lorsque Napoléon envahit la Russie, avec le plan de piller tout le pays sur son passage, il découvrit que ce pays avait été entièrement brûlé par les Russes faisant retraite. Lorsqu’il réussit à occuper Moscou, celle-ci fut également incendiée. Napoléon installa son campement quelque temps dans les environs, puis réalisant qu’il n’y avait plus rien à y faire (attaquer la Sibérie?) et que son armée allait mourir de froid et de faim si elle restait là, il entama une retraite précipitée et honteuse, finissant par abandonner ses hommes à leur sort. Au cours de cette retraite, une autre facette de l’héritage culturel russe se manifesta : chaque paysan de chaque village qui avait été incendié par l’armée russe en retraite était là, en première ligne, brûlant du désir d’avoir une chance d’abattre un soldat français.
De même, l’invasion allemande de la Deuxième Guerre mondiale commença par une avancée rapide et la prise d’une grande quantité de territoire alors que les Russes faisaient rapidement retraite en évacuant leur population, relocalisant des usine complètes et d’autres institutions en Sibérie, et réinstallant les familles à l’intérieur du pays. Alors l’avance allemande s’arrêta, devint une retraite, et finit en déroute. Le modèle standard se répéta, alors que l’armée russe brisait la volonté de l’envahisseur et que la plupart des habitants qui s’étaient retrouvés sous occupation refusaient de collaborer, s’organisaient en partisans et infligeaient un maximum de dommages à l’envahisseur en retraite.
Une autre méthode russe de gestion des envahisseurs consiste à utiliser le climat pour qu’il fasse le travail. La manière russe habituelle de se débarrasser de la vermine dans une maison rurale est tout simplement de ne pas la chauffer; quelques jours à 40° sous zéro, et tous ce qui est cafards, punaises, poux, lentes, charançons, souris et rats meurt. Cela fonctionne aussi avec les envahisseurs. La Russie est le pays le plus septentrional au monde. Le Canada est très au nord, mais la majorité de sa population est localisée le long de sa frontière méridionale, et le Canada n’a pas de villes au-dessus du Cercle arctique, alors que la Russie en a deux. La vie en Russie, c’est un peu comme vivre dans l’espace, ou au milieu de l’océan. Il est strictement impossible de survivre à l’hiver russe sans la coopération des autochtones, ce qui fait que pour se débarrasser d’un envahisseur, il suffit de ne pas collaborer avec lui. Et si vous imaginez qu’un envahisseur peut obtenir cette collaboration en abattant quelques autochtones pour effrayer les autres, reportez-vous au chapitre précédent gestion des offenses.
Comment traiter avec les puissances étrangères
Les Russes possèdent pratiquement la totalité de la partie nord du continent eurasiatique, ce qui représente à peu près 1/6 de la surface des terres émergées. Selon les standards terriens, ça fait beaucoup de territoire. Ce n’est ni une aberration, ni un accident de l’histoire : tout au long de leur parcours les Russes furent résolument poussés à assurer leur sécurité collective par l’annexion du plus de terres possible. Si vous vous demandez ce qui les a entraînés dans cette expansion, reportez-vous au chapitre ci-dessus gestion des envahisseurs.
Si vous vous imaginez que des puissances étrangères ont régulièrement entrepris l’invasion et la conquête de la Russie dans l’objectif d’avoir accès à ses vastes ressources naturelles, vous vous trompez : ces ressources ont toujours été disponibles pour les demandeurs. Les Russes ne sont pas vraiment connus pour refuser de vendre leurs ressources naturelles – même à leurs ennemis potentiels. Non, ce que voulaient en fait les ennemis de la Russie était de pouvoir se procurer les ressources russes gratuitement. Pour eux, l’existence de la Russie était un inconvénient, qu’ils tentèrent d’éliminer par la violence.
Ce qu’ils obtinrent en lieu et place fut un prix à payer plus élevé après que leur tentative d’invasion avait échoué. L’équation est simple : les étrangers veulent les ressources russes ; pour les défendre, il faut à la Russie un état centralisé fort disposant de forces armées puissantes ; donc c’est aux étrangers de payer pour financer l’État russe et son armée. Par conséquent, la plupart des besoins financiers de l’État russe sont remplis par des taxes à l’exportation, surtout en ce qui concerne le pétrole et le gaz, plutôt que par des impôts levés sur la population russe. Après tout, le peuple russe est régulièrement taxé par l’obligation de se dresser pour combattre des invasions ; pourquoi rajouter des impôts en sus ? Ainsi, l’État russe est un état douanier ; il lève des impôts et des droits de douane pour obtenir des ennemis qui pourraient le détruire les fonds qui lui permettent de se défendre. Comme il n’y a pas de substitut aux ressources naturelles russes, plus le monde extérieur paraît hostile à la Russie, plus il lui faudra payer pour la défense nationale russe.
Veuillez noter que cette règle s’applique aux puissances étrangères, et non aux personnes étrangères. En quelques siècles, la Russie a absorbé de nombreux immigrants : venant d’Allemagne pendant la Guerre de Trente Ans, de France après la Révolution. Les flux migratoires récents viennent du Vietnam, de Corée, de Chine et d’Asie centrale. L’an passé, la Russie a absorbé plus d’immigrants que n’importe quel autre pays au monde, à l’exception des États-Unis, qui tentent de gérer un flux migratoire venant des pays situés le long de sa frontière sud, dont les populations ont été considérablement appauvries par la politique étrangère des mêmes États-Unis. En outre, les Russes parviennent à absorber ce flux important, qui inclut près d’un million de personnes venant de l’Ukraine ravagée par la guerre, sans trop de protestations. La Russie est une nation d’immigrants, bien plus que la plupart des autres pays, et un creuset de population bien plus important que les États-Unis.
Merci, nous avons les nôtres
Un autre trait culturel russe intéressant est que les Russes se sont toujours sentis motivés à exceller dans tous les domaines, du ballet au patin à glace et du football à l’exploration spatiale, en passant par la manufacture de composants électroniques. Vous pensez que le champagne est une création typiquement française, mais la dernière fois que j’ai regardé, le champagne soviétique se vendait à toute allure le soir du Nouvel An, non seulement en Russie mais également dans les magasins russes des États-Unis. Car voyez-vous, la version française est excellente, mais elle n’a pas un goût assez russe. Il existe pour tout ce que vous pouvez imaginer une version russe, que les Russes préfèrent généralement, et dont ils affirment parfois avoir été les inventeurs originels (la radio, par exemple, a été inventée par Popov, et non par Marconi). Il existe des exceptions, les fruits tropicaux par exemple, et on les accepte du moment qu’elles viennent d’une nation sœur comme Cuba. C’était le scénario à l’époque soviétique, et il semble qu’il ait tendance à se reproduire actuellement.
Au cours de la défunte période de stagnation Brezhnev/Andropov/Gorbatchev, l’innovation russe s’est effectivement arrêtée en même temps que tout le reste, et la Russie a perdu du terrain technologiquement par rapport à l’Occident (mais pas culturellement). Après l’effondrement soviétique les Russes sont devenus friands d’importations occidentales, ce qui est normal puisque la Russie n’a plus produit grand chose à l’époque. Puis, pendant la décennie 1990, apparut l’ère des marchands occidentaux important sur le marché russe des produits à bas prix, dans le but de détruire à long terme la production domestique et de transformer la Russie en un simple producteur de matières premières, la rendant ainsi sans défense en cas d’embargo et facilement susceptible d’abandonner sa souveraineté. Une sorte d’invasion par des moyens non militaires face à laquelle la Russie se retrouverait sans moyen de défense.
Ce procédé fonctionna à merveille avant de rencontrer quelques obstacles majeurs. En premier lieu, la manufacture russe et l’exportation de produits autres que les hydrocarbures se redressèrent, se multipliant par deux à plusieurs reprises en une décennie. Cette expansion incluait exportations de céréales, d’armes et de produits de haute technologie. En second lieu la Russie rencontra de par le monde beaucoup de partenaires commerciaux meilleurs, moins chers et plus amicaux. Cependant, le commerce russe avec l’Occident, et surtout avec l’Europe, est loin d’être insignifiant. Troisièmement, l’industrie de défense russe a été capable de maintenir ses standards et son indépendance face aux importations. (Ce qui n’est vraiment pas le cas des usines de la défense en Occident, qui dépendent des exportations russes pour le titanium.)
C’est alors qu’apparut la tempête modèle pour les marchands : le rouble a été partiellement dévalué du fait de la baisse des prix du pétrole, ce qui a entraîné un accroissement du prix des importations et a aidé les producteurs locaux ; les sanctions ont miné la confiance qu’avaient les Russes dans la fiabilité de l’Occident en tant que fournisseur ; et le conflit au sujet de la Crimée a sérieusement augmenté la confiance des Russes en leurs propres capacités. Le gouvernement russe s’est empressé de se faire le champion des sociétés capables de produire rapidement des substituts aux importations occidentales. La Banque centrale russe s’est vu assigner la tâche de les financer à des taux d’intérêt rendant encore plus attractifs les produits de substitution à l’importation.
Certaines personnes ont comparé la période actuelle avec l’époque précédente, où le prix du pétrole s’est effondré – jusqu’à 10$ le baril – contribuant ainsi dans une certaine mesure à l’effondrement soviétique. Mais cette analogie est erronée. Pendant toute son existence, l’Union soviétique est resté économiquement stagnante et dépendante de l’Occident en matière de financement pour assurer ses importations de céréales, sans lesquelles elle n’aurait pu nourrir le bétail nécessaire à l‘alimentation de sa population. C’était l’irresponsable et influençable Gorbatchev qui était aux commandes – un conciliateur, un adepte de la capitulation et une fripouille de première classe, dont l’épouse adorait faire son shopping à Londres. Le peuple russe le méprisait et le surnommait « Mishka la Marque » à cause de sa tache de naissance. Et aujourd’hui la Russie est en plein essor, un des plus grands exportateurs de céréales au monde, et dirigée par le fier et implacable Président Poutine qui a un taux d’approbation populaire de plus de 80%. Comparer l’URSS avant son effondrement et la Russie d’aujourd’hui ne fait que mettre en évidence l’ignorance des commentateurs et des analystes.
Conclusions
Ce chapitre s’écrit presque tout seul. C’est une recette de désastre, je vais donc le rédiger comme une recette.
1. – Prenez une nation habituée à répondre aux offenses en vous envoyant au diable, et en refusant d’avoir le moindre rapport avec vous, plutôt que par la bagarre. Assurez-vous que les ressources naturelles de cette nation vous sont indispensables pour éclairer et chauffer votre maison, pour construire vos avions de ligne et vos avions de chasse, et pour tout un tas d’autres choses. Gardez à l’esprit qu’un quart des ampoules électriques aux États-Unis ne s’allument que grâce au combustible nucléaire russe, et aussi que la rupture d’approvisionnement du gaz russe à l’Europe serait un cataclysme de première grandeur.
2. – Donnez-leur le sentiment d’être envahis en installant dans un territoire qu’ils considèrent comme une partie historique de leur patrie un gouvernement qui leur soit hostile. La seule partie de l’Ukraine qui ne soit pas vraiment russe est la Galicie, qui s’est séparée il y a des siècles, et donc les Russes vous diront » emmène-la au diable avec toi « . Si vous aimez vos néo-nazis, vous pouvez les garder. Et rappelez-vous aussi comment les Russes traitent les envahisseurs : ils les font geler jusqu’à extinction.
3. – Imposez à la Russie des sanctions financières et économiques. Découvrez avec horreur que vos exportateurs perdent de l’argent lorsque, en rétorsion instantanée, la Russie bloque vos exportations agricoles. Gardez à l’esprit que ce pays, à cause d’une longue histoire d’invasions, a l’habitude de faire financer sa défense par les États mêmes qui lui sont potentiellement hostiles. Si ça ne marche pas, il utilisera d’autres moyens pour vous persuader, comme vous faire geler à mort. Plus de gaz pour les états de l’OTAN est une devise qui parle bien. Espérez, et priez pour qu’ils ne l’adoptent pas à Moscou.
4. – Montez une attaque contre leur monnaie nationale, de façon à ce qu’elle perde une partie de sa valeur, en équivalence avec la baisse du prix du pétrole. Observez avec horreur que les officiels russes sont hilares parce que la baisse du rouble a fait que les revenus de l’État n’ont pas changé malgré la baisse du prix du pétrole, car cette baisse du rouble a annulé une partie du déficit budgétaire potentiel. Regardez avec horreur vos exportateurs faire faillite car leurs produits sont devenus trop chers pour le marché russe. Gardez à l’esprit que la Russie n’a pas une dette nationale digne d’être mentionnée, a un déficit budgétaire négligeable, a beaucoup de devises étrangères en réserve et un important stock d’or. Gardez aussi à l’esprit que vos banques ont prêté des centaines de milliards aux sociétés russes (que vous venez juste d’exclure, par vos sanctions, de votre système bancaire). Espérez et priez pour que la Russie n’impose pas un moratoire au remboursement de ces dettes aux banques occidentales tant que les sanctions ne sont pas levées, car cela détruirait vos banques.
5. – Regardez avec horreur la Russie signer des contrats de fourniture de gaz avec tout le monde, sauf avec vous. Est-ce qu’il restera encore du gaz pour vous quand ils auront fini ? En fait, il semble que ce ne soit plus un souci pour les Russes, car vous les avez offensés. Étant les gens qu’ils sont, ils vous ont dit d’aller au diable (n’oubliez pas d’emmener la Galicie avec vous), et ils traitent maintenant avec d’autres nations plus amicales.
6. – Continuez à observer avec horreur la Russie qui s’emploie à rompre tous les liens commerciaux avec vous, à trouver des fournisseurs dans d’autres coins du monde, et à organiser sa production de façon à remplacer les importations.
Et c’est alors que vient la surprise, dont on n’a d’ailleurs pas assez parlé. La Russie vient d’offrir un marché à l’UE. Si l’UE refuse d’adhérer au Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement avec les États-Unis (traité, de plus, économiquement néfaste pour l’Europe), elle peut alors rejoindre l’Union douanière avec la Russie. Pourquoi vous infliger de vous geler alors qu’on pourrait geler Washington à la place ? Ceci est le dédommagement que la Russie accepterait pour le comportement hostile de l’Europe en ce qui concerne l’Ukraine et les sanctions. De la part d’un État douanier, c’est une offre extrêmement généreuse. Elle sous-entend beaucoup de choses : la reconnaissance que l’Europe n’est pas une menace militaire pour la Russie, ni même économique d’ailleurs ; le fait que les États européens sont tous mignons, petits et gentils, et qu’ils fabriquent d’excellentes saucisses et du bon fromage ; la reconnaissance du fait que la mouture actuelle de politiciens est incapable et inféodée à Washington, et qu’ils ont besoin d’une grande claque pour comprendre où se situent les véritables intérêts de leurs nations. L’Europe acceptera-t-elle cette offre, ou acceptera-t-elle la Galicie comme nouveau membre, pour geler avec elle ?
Traduit par Abdelnour relu par JJ pour le Saker Francophone