[Shrinking the Technosphere, Part VIII]
Cette série d’article offre un aperçu d’un livre qui reste encore à écrire. Comme elle est en passe de devenir une assez longue série, il me semble juste de faire un rappel, pour vous donner une idée de l’endroit d’où nous venons et où nous allons. Nous avons commencé par une discussion sur la façon dont le mode de vie contemporain, aux États-Unis en particulier, mais aussi dans divers autres soi-disant pays développés, est devenu entièrement intenable, car il nous oblige à compter sur un ensemble de technologies qui sont insoutenables et catastrophiques pour l’environnement. Celles-ci nous sont imposées par un ensemble de technologies politiques qui nous privent de notre pouvoir et de notre volonté de choisir celles que nous voulons utiliser. Nous avons également examiné un autre ensemble de technologies politiques qui sont utilisées pour détruire des nations, partout dans le mondes, si elles vont à l’encontre du plan directeur hors de contrôle.
Nous avons pas encore discuté quelles technologies politiques peuvent être utilisées, et sont utilisées avec un degré croissant de réussite, pour arrêter cette marche forcée vers la mort. Mais ça vient. Au lieu de cela, nous avons fait un grande détour, pour regarder à quoi ressemblerait le meilleur scénario – s’il existe, et qui est, de fait, mis entre parenthèses – à supposer que nous nous débarrassions des technologies politiques qui détruisent la société et la biosphère. Il se trouve que le meilleur scénario est plutôt inconfortable, à cause de tous les développements indésirables qui sont déjà dedans, tels que :
• Hausse du niveau des océans mettant les villes côtières, où vivent les deux tiers de la population, partiellement ou complètement sous l’eau.
• Hausse des températures moyennes d’environ 17°C, entraînant des vagues de chaleur dans lesquelles les réseaux électriques s’effondrent, rendant la climatisation inopérante, et provoquant la dépopulation des grandes régions métropolitaines.
• Disparition des glaciers de montagne qui alimentent le système de rivières dont dépend l’irrigation des principales zones agricoles, ce qui entraîne le dépeuplement en raison de la famine dans de nombreux pays.
• Océans devenant trop radioactifs pour les poissons en raison des nombreuses installations nucléaires détruites le long des côtes, après avoir été inondées par l’eau salée.
Les seuls endroits susceptibles de rester viables sont les forêts boréales qui bordent le cercle polaire arctique, en particulier le long des grands fleuves coulant vers le nord, la Lena, l’Ob et l’Ienisseï en Eurasie. J’avais d’abord pensé que la rivière McKenzie en Amérique du Nord pourrait offrir un refuge similaire, mais j’ai appris depuis qu’elle avait été empoisonnée par l’exploitation des sables bitumineux de l’Athabasca [province d’Alberta, Canada]. La dégradation de l’environnement est comparable à celle des zones fracturées aux États-Unis ; là, les milliers de puits de pétrole et de gaz fracturés qui ne produisent plus et qui ont été superficiellement condamnés, sont néanmoins sujets à des fuites de produits radioactifs ou chimiques toxiques dans l’environnement pendant des centaines d’années. Finalement, il semble que l’endroit le plus prometteur pour l’humanité pour essayer d’y faire son trou est la Sibérie.
Le scénario présenté dans la Partie VI a décrit comment un groupe de personnes pourrait survivre à l’hiver après s’être installé là-bas, comme beaucoup de gens l’ont fait il y a des centaines d’années maintenant, produisant certains des habitants les plus robustes de la planète. Mais il y a encore beaucoup de place : il n’y a pas de pénurie de terres libres, et avec les technologies proches de la nature dont nous avons parlé dans nos articles précédents, un grand nombre de gens robustes pourraient vivre de manière durable sur de nombreuses générations, migrant progressivement plus près du cercle polaire arctique lorsque le climat se réchauffera, pratiquant un mode de vie indépendant, autonome, aussi proche de la nature que possible, enseignant à leurs enfants tout ce qu’ils ont besoin de savoir à l’aide d’une pile de manuels distribués par le gouvernement, et une bibliothèque de prêts itinérante qui passerait environ une fois l’an autour du solstice d’été.
Mais à en juger par les commentaires des lecteurs jusqu’à présent, il n’y a pas beaucoup de volontaires pour ce nouveau style de vie passionnant. Un des problèmes majeurs est l’âge : pour se lancer vers une telle transition, il faut commencer jeune, alors que beaucoup des lecteurs de ce blog sont arrivés à un âge où l’on cesse de courir dans tous les sens et où l’on devient contemplatif. Un autre problème est l’habitude physique : si vous avez grandi assisté par toutes sortes de gadgets, laissant le travail physique à de gentils Mexicains qui traînent près des Home Depot [travailleurs au noir, NdT], alors vous pourriez avoir un problème de transition vers un mode de vie où votre meilleure amie est votre hache : utilisée pour tout, couper des arbres, se raser, nettoyer le poisson, faire des manches de rechange pour elle, brandir devant les loups pendant que vous faites vos besoins naturels au fond des bois.
Et si vous avez passé la plupart de votre vie assis sur une chaise au bureau, avec le thermostat réglé quelque part entre 21 et 23 ° C, alors vous pourriez ne pas posséder les couches de graisse brune vascularisée et les puissants systèmes cardiovasculaire et digestif nécessaires pour effectuer un travail manuel par -40°C, alimenté par du thé chaud et par toute la graisse animale que vous pourrez attraper. Pas plus que vous ne possédez des glandes sudoripares puissantes, une peau se tannant vite et presque complètement indifférente aux insectes pour pouvoir accomplir un travail manuel intensif pendant les étés courts mais chauds. Si vous trouvez l’odeur des corps offensante, si vous aimez les assainisseurs d’air et les bols d’essences odorantes, alors il est difficile d’imaginer que vous pourriez être heureux en grattant et travaillant une peau d’ours rance, nu – pour protéger votre seul ensemble de vêtements – et recouvert de la tête aux pieds de graisse d’ours pour garder la chaleur. Enfin, si vous êtes un végétalien intolérant au lactose sans gluten, qui pense que travailler la fourrure est un crime, alors il peut être aussi difficile de vous imaginer vivre avec un régime composé de choux, de navets et de pain de seigle, comme nourriture de base, plus quelques pommes de terre comme friandises, complété par tous les animaux que vous parviendrez à attraper ou à piéger.
Mais je ne suis pas préoccupé par le manque de candidats potentiels pour cette expérience. Dans chaque tranche de 10 000 personnes environ, je me dis qu’il doit y avoir une poignée qui le ferait, et c’est plus que suffisant. Ils peuvent être difficiles à repérer pour le moment, parce que les pressions de sélection au sein de la société contemporaine sont fondées sur des exigences de réussite dans cette société-là, et non pas sur l’échec de cette société et le succès sans elle. Et si un enfant qui disparaît dans les bois à la recherche de quelque chose à tuer au lieu de faire ses devoirs est actuellement considéré comme un enfant à problème, il est en fait une solution qui apportera quelque chose pour le dîner, tandis que les enfants à succès pleurnicheront pathétiquement à côté de leur tas de jouets électroniques hautement éducatifs, désormais inutiles, et frissonneront de fièvre sous l’effet du sevrage des boissons sucrées réfrigérées auxquelles ils sont accros. L’enfant à problème pourrait même avoir quelques super pouvoirs comme la possibilité de voir des poissons dans l’eau trouble. Pour être juste, les enfants à succès, bien adaptés, ont aussi des super pouvoirs, par exemple se souvenir exactement ce que vous avez promis de leur acheter et quand vous l’avez promis.
Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c’est que les candidats manquent de connaissance sur les technologies proches de la nature dont ils auront besoin pour survivre. Il y a un grand nombre de compétences requises pour la tâche apparemment simple de construire une cabane en rondins. Pour commencer, vous devez savoir comment choisir un site qui a un assez bon drainage, mais qui est également à l’abri, protégé contre les vents dominants l’hiver, mais ouvert aux vents dominants l’été, qui reçoit du soleil l’hiver, mais est à l’ombre du soleil l’été, et qui ne risque pas de se faire ensevelir sous une congère.
Ensuite, vous devez savoir quels types d’arbres il faut couper, et quand le faire (pendant une pleine lune, avant que la sève ne monte). Les rondins doivent être coupés à certaines longueurs et laissés au repos un certain temps avant de pouvoir être utilisés. L’écorce doit être retirée, sans l’aide de méthodes industrielles telles que la vapeur, mais il y a d’autres trucs. Ensuite, les rondins doivent être accolés, sans utiliser de dispositifs de fixation en métal. La qualité des joints doit être telle que l’eau de pluie glisse dessus, sans pénétrer, sinon la structure va pourrir. Le toit doit être résistant mais léger avec du chaume, et faire du chaume nécessite encore un autre ensemble de compétences à acquérir à la hâte. Que faire si vous ne pouvez pas trouver des rondins assez droits, bien ronds ? Il n’y a pas de bois de charpente sur les quelques milliers de kilomètres autour de vous, et vous n’avez pas le temps de faire le vôtre. Ainsi vous devez produire le bois de charpente dont vous avez besoin, en commençant par des traverses aux fibres régulières et droites que vous fendrez en lamelles. Vous n’avez jamais essayé de fendre un rondin en lamelles ? Eh bien, apprenez-le rapidement, parce que l’hiver approche !
Et puis il y a la cuisinière, dont vous aurez besoin pour garder la pièce chaude, faire cuire la nourriture, laver l’intérieur et pour dormir au dessus. Dans ce climat, les meilleurs poêles disposent d’une chambre de combustion en arc dans le dos de la cheminée, avec un espace solide sur l’arc et un lit pour toute la famille sur le remblai. L’arc et la base de la cheminée doivent être construits de briques résistantes au feu et à l’écaillage, donc la fabrication de briques doit aussi faire partie du programme d’études. C’est une structure de maçonnerie massive, et sa masse thermique permet de la chauffer seulement deux fois par jour, le matin et dans la soirée pour garder le lit à une température constante de 25°C même quand il fait -40°C dehors. Le poêle a besoin d’avoir une niche pour le samovar si important, avec un conduit de fumée vers l’extérieur. Vous aurez besoin de beaucoup d’eau chaude pour faire du thé aux herbes, en utilisant les herbes que vous n’aurez pas oublié de planter, de ramasser et de sécher pendant l’été, ce qui vous fournira toutes les vitamines dont vous aurez besoin pour éviter le scorbut et d’autres types de carences en vitamines.
La liste des technologies proches de la nature se déroule ainsi l’une après l’autre, trop longue à énumérer. Les gens ont besoin d’arriver sur le terrain en sachant tout cela, sinon leurs chances de survie vont sérieusement diminuer. Oui, il est possible de communiquer ces connaissances à travers les livres, bien que ce dont on a besoin pour réussir n’est pas un livre, mais quelqu’un à qui parler, qui peut aussi montrer directement comment il fait. Mais si quelqu’un va dans la forêt et pratique ces techniques pendant un an ou deux dans un environnement stable, équipé avec beaucoup de technologies additionnelles non proches de la nature, comme un téléphone satellite pour appeler un hélicoptère de sauvetage si nécessaire, alors cette personne a de bonnes chances de devenir un bon livre audio. Et on pourrait donc envisager de recycler les personnes âgées pour ça, après tout !
Voilà tout ce qu’il faudra savoir pour garantir notre survie sur n’importe quel lopin de terre. Mais je serais négligent si je ne mentionnais pas une alternative : alors qu’il y aura une pénurie de lieux aptes à la survie sédentaire à l’année, d’autres possibilités existeront, avec des modes de vie qui seront soit nomades (ce déplacer en permanence), soit migrateurs (avec des camps saisonniers semi-permanents). Ces modes de vie viennent avec leurs propres listes de technologies proches de la nature mais qui sont beaucoup plus difficiles que celles requises pour un mode de vie sédentaire, tout simplement parce qu’une technologie de survie mobile est plus exigeante qu’une installation fixe.
Faire sans domicile fixe confère de nombreux avantages : vous êtes libre de vous déplacer et de fuir le danger ; il n’est pas nécessaire, dans ces circonstances, de gaspiller votre énergie à accumuler des biens au-delà de ceux dont vous avez absolument besoin et que vous utilisez tout le temps ; vous avez plus de chance de pouvoir construire votre abri pour répondre à chaque situation nouvelle. Ce sont des considérations pratiques, mais il y a plus dans le nomadisme qu’un simple côté pratique. Le nomadisme, voyez-vous, est non seulement une bonne adaptation aux temps incertains. Il est aussi pieux et sublime.
La plupart des gens, quand ils entendent la phrase biblique La maison de l’Éternel, imaginent une cathédrale ou un temple. Leur idée obsessionnelle d’une maison est une grande structure immobile, permanente. Quelle surprise, alors, d’apprendre que la maison du Seigneur était, au départ, très certainement une tente : beth en hébreu ancien ou beyt en arabe sont deux mots qui signifient tente. La césure entre l’enraciné et le nomade est présente tout au long de la Bible. C’est la tension entre l’esclavage et la liberté, et le récit biblique est très clair sur le fait que Dieu, ou Yahvé, est à l’origine un dieu nomade, le dieu bédouin des troupeaux, toujours au côté des nomades.
Revenons à l’un des grands mythes fondateurs du monde, l’histoire d’Abraham, qui a donné son nom aux religions abrahamiques de l’islam, du judaïsme et du christianisme, dont les fidèles représentent plus de la moitié de la population sur Terre. Dans l’histoire, Abraham et Lot, son neveu, quittent la ville et, avec leurs troupeaux, voyagent au pays de Canaan, et ils y vivent comme des nomades à la lisière du désert. Mais ils se querellent, et Lot s’en va pour Sodome et Gomorrhe. Yahvé le punit pour son choix, détruisant les villes, et transformant sa femme en statue de sel pour avoir regardé la destruction de la cité, tandis qu’Abraham reste pur et par la suite, ses deux fils, Ismaël et Isaac, fondent les deux grandes tribus nomades, les Arabes et les Juifs.
Bien que le nomadisme soit l’idéal, la tension entre le nomade et le sédentaire est toujours présente. Les sécheresses, les famines, l’oppression politique, forcent souvent les nomades à se réfugier parmi les enracinés. Si ces conditions se maintiennent assez longtemps, ils risquent de perdre leurs capacités de nomadisme et de s’enraciner eux-mêmes. Abraham a été poussé par la famine à quitter Canaan et à se réfugier en Égypte pour un temps, mais il n’a pas tardé à revenir dès que les conditions se sont améliorées. Plus tard, une autre famine a contraint ses descendants à un retour en Égypte et à une vie de servitude, mais ici, leur séjour a duré trop longtemps et leur a fait perdre leurs compétences nomades, les condamnant à l’esclavage. Mais ils ont réussi à produire un visionnaire, Moïse, qui a épousé une femme bédouine. Cette femme s’est avérée être la greffe culturelle majeure qui a permis aux juifs de fuir dans le désert et de retrouver leur liberté.
Le nomadisme est culturellement et technologiquement avancé, impliquant des éléments tels que des abris mobiles, une relation avec les animaux qui confine à la symbiose, la capacité à s’auto-organiser en groupes petits et grands, à survivre sur un terrain difficile et presque stérile mais aussi à contrôler et défendre un grand territoire en constante évolution. Dans toutes les cultures nomades, plus de la moitié de cet ADN culturel et technologique est le domaine explicite des femmes, car ce sont les femmes qui fabriquent et entretiennent la tente. Les hommes pratiquent l’élevage, fabriquent des outils, chassent, pêchent, se battent, font des piquets de tente, mais ce sont les femmes qui filent, tissent et cousent. La tente fait généralement partie de la dot et reste la possession de la femme, qu’elle garde en cas de divorce.
Promenez-vous dans la tente d’un nomade, et vous trouverez la même séparation des tâches se reflétant dans l’aménagement intérieur. A gauche de l’entrée, vous avez le côté des femmes. Ici, empilés le long des murs, vous trouverez tout le nécessaire pour la préparation des aliments, pour travailler le cuir et les tissus, et pour prendre soin des enfants. Le côté droit est celui des hommes. Ici, empilés le long des murs, vous trouverez des outils, des armes, des selles et des harnais. Au milieu se trouve le foyer ; à l’arrière du foyer, se trouve le lieu sacré, avec un autel. Devant l’autel, on trouve le siège d’honneur. Dans le cas des Arabes, la séparation est appliquée au moyen d’un rideau, appelé le Qata, tandis que dans le tipi d’un Indien d’Amérique du Nord, la séparation est implicite, mais elle est toujours là, c’est un attribut du nomadisme culturel universel. Ceci est un trait évolué qui prend tout son sens : la vie du nomade est si complexe et exige une telle compétence qu’une séparation des préoccupations entre les hommes et les femmes est essentielle à la survie. Un homme seul peut mener une existence nomade, mais pour que le nomadisme existe en tant que civilisation, cela requiert des femmes nomades, avec le savoir-faire associé.
Les femmes ont tendance à être plus conservatrices que les hommes – politique mise à part – car elles ont tendance à transmettre à leurs filles leurs compétences sans trop les altérer. Ainsi, nous trouvons, dans l’architecture nomade une incroyable stabilité des formes. Les tentes noires, décrites dans la Bible, sous lesquelles les Israélites campaient dans le pays de Canaan, se retrouvent le long d’une ceinture désertique s’étirant de Casablanca sur la côte atlantique de l’Afrique, jusqu’au Tibet (où ils utilisent la laine des yacks pour faire du tissu). Les tentes sont faites de morceaux de tissus rectangulaires en poils de chèvre, cousus ensemble sur de larges bandes tissées et érigées à l’aide de quelques pieux et tendues à l’aide de longues lignes fixées par des pitons. Elles maintiennent la fraîcheur à l’intérieur en bloquant la lumière du soleil et en créant un courant ascendant et en expulsant l’air au travers de son armature suffisamment lâche, mais quand il pleut les fibres des poils de chèvre enflent et créent une surface imperméable qui repousse l’eau.
Au nord de la ceinture des tentes noires se trouve la ceinture des yourtes. Les yourtes utilisent une structure autonome qui se compose d’un treillis en forme de tonneau à la base, une bande de tension au sommet du treillis, une couronne, parfois soutenue par des poteaux au centre, et des poteaux qui sont mortaisés dans la couronne et accrochés à la cime des treillis. Sur cette trame est tirée une couverture de feutre dont l’épaisseur est proportionnelle à la froideur du climat. En Mongolie, un bon pourcentage de la population vit aujourd’hui dans des yourtes, et les Mongols, sur ce modèle de logement à base de yourtes, sont jadis venus jusqu’aux portes de Vienne. La maison Dymaxion de Buckminster Fuller est essentiellement une yourte fabriquée en aluminium, ce qui est un choix de matériau malheureux, car l’aluminium ne pousse pas sur les arbres ni sur les moutons.
Au nord de la zone de yourtes et dans toute la région circumpolaire, nous trouvons deux formes de base : la tente-cône et la tente-dôme, couverte soit avec des cuirs et des peaux ou avec l’écorce de bouleau cuite à la vapeur. A l’intérieur, nous trouvons souvent la même disposition : foyer au milieu, les femmes à gauche, les hommes à droite, l’autel dans le fond. Le Koryak, des Tchouktches Yaranga est particulièrement significatif. Ces tribus, qui peuplent la zone la plus au nord de la Sibérie, utilisent une tente dans une tente, appelée polog, pour garder la chaleur malgré des températures qui sont souvent inférieures à moins 40 degrés. La condensation inévitable est traitée en sortant le polog pendant la journée, permettant à la condensation de geler, elle peut alors être cassée avec un bâton et retirée.
Le nomadisme est une innovation, ce qui nécessite beaucoup de technologies de pointe et de savoir-faire. Il est relativement récent, et dans de nombreux endroits, son avènement a coïncidé avec la domestication de divers animaux. C’est la symbiose avec ces animaux qui a donné aux nomades leur vitesse de déplacements, la portée de ceux-ci et la capacité à se maintenir dans des endroits où une population stationnaire serait rapidement morte de faim et de soif. Dans les déserts, les nomades en tentes noires comptent sur le chameau et, dans le cas du Tibet, sur le yak ; les nomades des plaines, utilisant des yourtes, comptent sur le cheval ; les tribus circumpolaires comptent sur les rennes en Eurasie et son cousin non domestiqué, le caribou en Amérique du Nord. Avant l’avènement du nomadisme, la plupart des endroits où les nomades peuvent survivre, étaient restés inhabités.
Bien sûr, il y a des endroits dans le monde où même une tribu nomade ne peut pas survivre, mais quand ils voient que les circonstances changent, au moins, ils ont la possibilité de se déplacer. Une population sédentaire repose sur un climat stable pour pouvoir compter sur la culture de la même parcelle de terre, saison après saison. Au cours des 11 000 dernières années, cela était possible dans de nombreux endroits sur Terre parce que pendant ce laps de temps, le climat était particulièrement stable avec des changements bénins, mais il semble que cette période soit maintenant terminée, et la Terre est entrée dans une période de bouleversements climatiques, dans laquelle les phénomènes réguliers naturels sur lesquels repose l’agriculture ne peuvent plus être pris pour acquis.
Bien que la vision culturelle du nomadisme, dans de nombreuses parties du monde, ait été marquée par le dédain et l’exclusion, cette vision est susceptible de changer, pour de plus en plus de monde, lorsque leur choix se limitera à devenir nomades (s’ils le peuvent) ou à périr sur place. Et il convient de répéter que le nomadisme nécessite un niveau de technologies bien supérieur à celui de la sédentarité et cela ne peut pas être appris en une seule génération, et peut-être même pas en une seule vie.
Traduit par Hervé, édité par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone